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La
Randonnée dans la chanson et dans le conte
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La
randonnée doit peut-être son nom au fait d'être,
avec ou sans musique (mais toujours avec un rythme ou une intonation
marqués) la forme de littérature orale la plus adaptée
à la marche.
C'est
en tous cas le jeu d'écriture à la fois le plus rigoureux
et le plus drôle qui ait existé pour ceux qui n'avaient
pas encore une grande pratique de la lecture et qui comptaient avant
tout sur leur mémoire pour se divertir l'esprit. Ce peut être
une histoire que l'on déroule pour passer le temps en travaillant
de ses mains, une chanson à danser (ou à marcher) cumulative
jusqu'à épuisement, ou bien encore un récit de
sagesse capable de subjuguer une assemblée en raison même
de ses répétitions... jusqu'à la "chute"
finale.
Ce
dernier type de randonnée est entré dans la littérature.
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La
Randonnée de succession :
Elle
se présente comme un récit à étapes, dont
tous les paliers présentent à peu près la même
longueur et surtout des scénarios parallèles (avec des variantes).
En gros, il s'agit d'un problème qui se reproduit de façon
quasi identique chaque fois que le héros essaie de le résoudre...jusqu'à
ce que la solution apparaisse enfin, par l'intervention d'un Xème
acteur ou élément qui, lui, n'aura pas la même réaction
au problème posé et qui, de ce fait, débloquera toute
la chaîne. A moins que le héros n'abandonne lui-même
avant, par philosophie.
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Dans
la chanson, qui est restée proche de la tradition orale, la randonnée
de succession et particulièrement bien représentée,
de Tout va très bien Madame la marquise (Ray Ventura) à
Laisse béton (Renaud). Dans la première citée, une
aristocrate en vacances appelle son valet au téléphone à
chaque couplet, et apprendra peu à peu que tous les pans de sa
vie de château se sont écroulés. Ce n'est pas un hasard
si cette chanson a eu tant de succès à la veille de la guerre.
Dans la seconde, un loubar pacifique se fait dépouiller peu à
peu de tous ses vêtements à coup de bagarres réitérées.
Personne ne peut imaginer que le schéma "organique"de
cette chanson vient de la tradition la plus ancienne.
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Dans
la littérature, ce sont les contes symboliques à finalité
mystique ou philosophique qui poursuit ce genre sous la plume des écrivains.
Dino Buzzati, par exemple, dans ses recueils de nouvelles: Conte de Noël
dans Panique à la Scala, ou la randonnée de Morro-le-grand
dans la Grandeur de l'homme (extrait des Sept messagers). Les héros
du premier récit cherchent le Bon Dieu et le perdent l'un après
l'autre tant qu'il n'ont pas compris qu'il faut être en état
de don. Les héros du second portent un nom qui les met en danger
de mort tant qu'ils ne sont pas adoptés en tant que personne par
leurs plus puissants homonymes.
Les
étapes du conte deviennent les barreaux d'une échelle d'initiation
à la sagesse. Ce sont des leçons de morale humaine ou mystique
dont la forme n'a rien à voir avec les Fables. Les répétitions
-archaïques pour notre conception moderne de la littérature-
font leur force.
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La
randonnée d'accumulation :
Absente
de la littérature écrite, elle est très vivante dans
le conte et dans la chanson traditionnelle, surtout enfantine. Comme dans
la randonnée de succession, le sujet tourne autour d'un problème
à résoudre: Biquette qui ne veut pas sortir du chou, ou
la Baleine bleue qui ne trouve plus d'eau mais une tonne de saletés
dans la mer (répertoire de Steve Waring).
Mais
ce peut être aussi une simple accumulation pour le plaisir -sadique
en l'occurrence dans Alouette- ou bien pour une raison précise
comme dans la "chanson canadienne" de Coluche (J'y ai dit "viens")
où la belle courtisée se garde d'un amoureux non désiré
en accumulant les prétextes (j'ai mon lait qu'est su' l'feu / J'ai
mon frère qu'attend l'lait qu'est su' l'feu/ J'ai ma mère
qu'est malade qui attend mon frère etc).
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Le
principe de la randonnée à accumulation consiste à
rappeler par jeu tout ce qui a été dit ou chanté précédemment,
grâce à un enchaînement grammatical logique ou une simple
juxtaposition à tiroirs, ce qui allonge à l'infini les couplets,
ou les étapes du conte... pour la plus grande joie des enfants (ou
de ceux qui ont gardé leur âme d'enfant). |
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MODE
D'EMPLOI :
Il
y a énormément de schémas de randonnées possibles,
et la nomenclature n'en a pas encore été faite: formes gigognes,
trains, marabouts, inventaires; emboîtées, enchaînées,
juxtaposées; par relatives, par prépositions, par conjonctions...
Le
petit dessin ci-dessous vous offre une structure visuelle pour vous exercer:
c'est l'Habitant de St Roch, une randonnée québécoise
en forme de train. La locomotive (1er couplet) comprend un groupe-sujet,
un verbe, un complément. Chaque couplet est un wagon en forme de
complément de nom relié au sujet par une préposition.
Il faut lire ou chanter en commençant par la locomotive et ne pas
oublier de reconstituer tout le train déjà inventé
à chaque étape du conte ou du chant. Sur ce modèle,
construisez donc une autre phrase-locomotive et d'autres couplets-wagons.
A vos plumes (et à vos cuillers) ! |
©
Chantal Grimm, tous droits réservés. |
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