|
|
De l'Antérime à l'Holorime pour les
hantés des rimes
|
|
Prenez
deux antérimes et allongez-les
le plus possible en passant par l'antanaclase,
ça vous donnera un holorime en
distique.
Du
Chinois, cette recette ? Allons-y doucement. On va tout vous expliquer,
et à la fin de ce Gradus Sauvage
vous serez peut-être capable, en vous lisant, de dire deux fois
la même chose en ayant écrit deux choses différentes.
C'est de la schyzophrénie sur papier. Autrement dit, de la folie
organisée. Intéressant, non ?
L'antérime
On
en parle rarement, et pourtant elle ouvre sur un jeu très rigolo
qu'il faudrait plus souvent confier aux enfants en attendant que les
adultes s'y intéressent. Jacques Lanzmann, qui en tant qu'écrivain-parolier
est le double d'un Jacques Dutronc qui n'a jamais grandi, nous en donne
la recette dans sa chanson l'Aventurier
(je cite des extraits dans le désordre) :
J'ai
été borné à Bornéo
J'ai
dit "tant pis" à Tanpico
J'ai
fait l'chasseur à Kin-Shasa
et
des calculs à Calcutta
J'ai
été errant à Téhéran
J'ai
été crétin à Créteil
J'ai
eu la berlue à Berlin
J'ai
été lourdé à Lourdes.
|
|
L'antérime
est une rime du début des mots et non de la fin. Et tout
comme la rime classique, elle peut être pauvre, riche ou suffisante
selon le nombre de phonèmes. Dans cette chanson elle est souvent
riche :
borné
à Bornéo =5, calculs
à Calcutta=5,
té errant à Téhéran=5
(rime et antérime à la fois)
tant pis à Tanpico=4,
crétin à Créteil=4,
berlue à Berlin=4,
lourdé à
Lourdes=4.
chasseur à Kin-Shasa=3.
A
un seul phonème, elle s'assimilerait à l'allitération.
Tout le défi de l'antérime, comme de la rime riche, est
donc d'avoir le plus grand nombre de phonèmes. C'est ainsi que
l'on peut aller jusqu'à l'antanaclase...
|
|
L'antanaclase
Reportez-vous
au Gradus Sauvage du n°27 (mai-juillet
2000) et vous saurez tout sur la notion de double-sens qui est à
la base du jeu de mots. Pour ceux qui n'étaient pas encore abonnés,
on peut quand même résumer :
L'antanaclase,
c'est un mot ou groupe de mots homophone,
employé dans une phrase volontairement dans un autre sens que celui
qu'attendait la logique. Ce qui a la propriété de déchaîner
le rire, celui-ci étant basé sur la surprise. Ce type de
mot d'esprit se fait en trompant la prévision inconsciente de l'auditeur.
Si ce mécanisme, qui exige une grande vitesse mentale, n'est pas
naturel chez soi, on peut essayer de le reconstituer par écrit
en faisant provision d'homonymes phonétiques,
c'est-à-dire d'antanaclases en puissance. Faites vos listes ! Par
exemple :
guérir
/ gai rire
fricassée
/ fric assez
mélange
/ mets l'ange
l'apparence
/ l'appât rance
on
s'enlace / on s'en lasse
|
|
En
fait, l'antérime mène à l'antanaclase quand on la
rallonge, et il est tout à fait possible de trouver l'inspiration
en consultant un simple dictionnaire alphabétique. L'holorime elle-même
commence à montrer son nez quand on développe une antanaclase
sur un vers entier.
Exercez-vous
sur des morceaux de phrase de plus en plus longs, comme par exemple :
Le
champ des luttes
Le
chant des luths
L'un
des sens du mot
L'indécence
du mot
Vieil
art tapeur et tape-à-l'oeil
Veillard,
t'as peur et t'as pas l'oeil ! |
|
L'holorime
en distique
La
"vraie" holorime est celle qui se déroule sur deux vers
homophones et arrive à constituer une histoire ou un poème
en soi. On y parvient lorsque l'on a triomphé des étapes précédentes,
mais le résultat est souvent tiré par les cheveux. Alors laissons
plutôt parler les poètes...
Etonnament
monotone et lasse
Est
ton âme en mon automne, hélas !
(Louise
de Vilmorin)
Jeune,
petit, raillé, coeur âgé, coeur usé
Je
ne peux, tiraillé, que rager, que ruser.
(Daniel
Marmé)
Bonne chance ! |
© Chantal Grimm,
tous droits réservés.
|
|
|
|
|