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La
"trouvaille" en poésie ou en littérature orale
- cette association de mots, ce petit bout de phrase qui fait que l'on
sourit, que l'on s'attarde, que l'on ponctue malgré soi par un"
mmmh !" - surtout si le jeu de mots n'est pas purement gratuit,
si derrière la boutade esthétique se cache un brin de
philosophie... Bref, la "perle" au coin du vers ou du verre,
peut-elle s'analyser ?
C'est
en enterrant mon ami poète et chanteur Bernard Haillant, devenu
de plus en plus clown et jongleur de mots au fur et à mesure
que sa maladie gagnait du terrain, que je me suis posé la question.
Il
n'y a qu'une réponse (de Normand) possible : parfois ça
s'analyse et le processus peut même se reconstituer, et parfois
la magie reste indéchiffrable.
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Comme
on ne peut pas faire de fiches-recettes de tout, on va traiter du sujet
de la trouvaille en se contentant de deux observations. D'abord la première
:
La
trouvaille peut surgir d'un glissement de l'expression vers un équivalent
sonore où s'introduit un changement phonétique minimum
qui en chamboule le sens. Autrement dit, c'est un à-peu-près
poétique et humoristique. Exemple :
J'en perds les pétales, dit la fleur
(Prévert).
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L'origine
de cette trouvaille-ci est claire: l'expression imagée j'en
perds les pédales. Un seul phonème qui diffère
(le -d- devenu -t-) et la bicyclette capote en faveur de la botanique:
le résultat suggère une sentence florale de Lewis Carrol
dans le jardin d'Alice, sans pour autant gommer l'idée de malaise.
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A
nous les dictionnaires d'expressions imagées !
Mais
peut-être pas trop vite: qui sait si ce n'est pas un saut vers la
prothèse facile de l'outil obligatoire ? Car la phrase la plus
courante peut aussi donner des trouvailles. Comme le
très vieux verger qui garde
ses boutons dans le poème
ci-contre de Bernard Haillant. Il y a seulement deux phonèmes de
changés par rapport au berger
qui
garde ses moutons : un -b- devenu-v-,
un -m- devenu -b- et le tour est joué !
Facile
à dire...
C'est
peut-être l'économie même du changement qui entraîne
notre sourire: la vraie trouvaille viendrait d'un glissement à
peine perceptible...
Un
seul phonème de changé (le -u- devenu -i-) et le troisième
âge se fait farceur avec des grands'mères...
vêtues de joyeux manteaux de fou-rires,
fourrures/ fou-rires communs d'ailleurs à Prévert et à
Haillant.
Grâce
à ce dernier exemple, on remarque que l'orthographe ne compte pas.
Seule la phonétique, habitude de la tradition orale, sous-tend
le jeu de mots. Parfois l'absence de similitude orthographique peut même
nous faire passer à côté d'une perle authentique,
si l'on ne prend pas la peine de prononcer le texte tout haut, comme dans
le jour de marché
(=marcher) pour les impotents. |
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Deuxième
observation :
La
trouvaille poétique est aussi très souvent basée sur
l'antanaclase ou double-sens (voir
le Gradus Sauvage
d'ECRIRE ET EDITER
n° 27).
A
titre de rappel : cette figure de style consiste à employer un même
mot dans deux sens à la fois. Tout comme l'à-peu-près,
elle peut engendrer le pire calembour comme le plus fin surréalisme.
Chez Bernard Haillant, un dossier brûlant
quitte sa chemise, Les oeufs peuvent monter à la neige sans être
battus, Les crayons se taillent des mines superbes et
On boit les canons (C'est de bonne guerre)
!
Faites
aussi la collection de double-sens et d'à-peu-près, mais surtout
laissez-vous porter par la poésie de certains... Et vous verrez peut-être
vos plumes s'envoler ! |
©
Chantal Grimm, tous droits réservés. |
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